Bocuse, le mythe
Ce n'est pas pour rien si on le surnomme le « pape » de la gastronomie. Paul Bocuse est un monument, un monstre, le chef des chefs.
C'est un peu notre Dalaï Lama à nous, cuisiniers. Un personnage mythique qui ne peut que susciter l'admiration.
Fin janvier, j'ai eu l'occasion de faire le grand chelem : un dîner à L'Abbaye, leur lieu de réception, suivi,
le lendemain, d'un dîner au restaurant 3 étoiles. Je ne vous cache pas que j'ai eu la sensation de pénétrer dans
le Saint des Saints.
A L'Abbaye, on se croirait au théâtre. L'automate de Paul Bocuse joue la mesure, les limonaires retentissent à
chaque arrivée de plats, un ballet de serveurs descend les desserts de la cuisine. La soirée fut grandiose.
Certains parlent de mégalomanie, c'est bien mal connaître Monsieur Paul. Il fait partie de ces hommes qui marquent
une époque, au-delà des frontières. Je me souviens avoir vu au Mali, en pleine cambrousse, un restaurant
se nommer « Chez Pol Bocuse ». Qu'une telle image apparaisse dans un pays où la nourriture est si rare est bien le
signe de son influente aura. Si j'étais à Abu Dhabi la semaine dernière pour réaliser des démonstrations, c'est
parce qu'il y a eu un Paul Bocuse qui a redéfini le métier de cuisinier et en cela nous lui devons beaucoup.
Comme un pèlerin ne va pas à Lourdes sans visiter la grotte, un cuisinier ne peut aller à Lyon sans dîner au moins une fois chez Bocuse. Depuis le temps, j'ai (enfin) accompli mon devoir non sans une pointe d'émotion. Sur place, il faut le voir pour le croire. Le temps semble s'être arrêté dans les années 70. La décoration, l'assiette, le service. Tout paraît tellement surannée, décalé à une époque où l'on loue les prouesses d'un Ferran Adria. Il ne faut surtout pas chercher à comparer avec d'autres restaurants, mais y aller sans a priori pour passer un moment hors du temps. En conclusion, je dirais qu'un dîner chez Paul Bocuse est quelque chose d'exceptionnel à faire au moins une fois dans sa vie.
|